Eternal Darkness, plaisir éternel

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En octobre 2002 sortait en France sur Gamecube Eternal Darkness – Sanity’s Requiem, à l’époque Silicon Knights était acoquiné à Nintendo et c’était un gros projet. Prévu tout d’abord sur Nintendo 64 il a été repoussé maintes fois jusqu’à sortir sur Cube, comme si le studio canadien était maudit (cf Too Human).

Pépé a perdu la tête

Eternal Darkness a souvent été réduit au genre du survival horror alors qu’il n’en a presque rien, plus que de provoquer la peur chez le joueur c’est une aventure que l’on vit en jouant, qui baigne dans le fantastique à la Lovecraft certes. Une aventure vidéoludique dont le principe de narration est assez atypique et ça, c’est bien. On incarne Alexandra Roivas qui débarque dans la vieille baraque de son grand-père retrouvé mort par la police. Le cadavre est décapité, aucune trace de la tête ni même d’autre agression, ni d’effraction, ni d’empreinte, ni quoique ce soit d’autres, que dalle. Alexandra décide donc de rester dans la vieille demeure familiale histoire de fouiner un peu, de trouver des indices. Le grand paternel était passionné par l’ésotérisme et ce genre délire… La jeune femme découvre bien vite un étrange livre dont la couverture est fabriquée à base de peau humaine, les pages ont été arrachées. Heureusement le vieil homme les a planqué ici et là dans son manoir poussiéreux et c’est là notre quête principale, retrouver les pages du livre pour comprendre ce qu’il s’y cache. L’histoire qu’il révèle étant probablement étroitement liée à la mort du grand-père mais aussi, c’est plus grave, à la fin du monde… L’originalité du jeu vient du fait que chaque page trouvée correspond à l’histoire d’un personnage qui lorsque Alexandra la lit devient jouable par le joueur. Autrement dit chaque page correspond à une sorte de niveau où l’on incarne un personnage différent.

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Ces histoires ont bien entendu un lien étroit et ce qu’il y a d’intéressant c’est qu’elles nous transposent dans différents univers et époques. On commence par exemple en 26 avant Jésus Christ sous les traits d’une sorte de légionnaire romain puis on passe par un Amiénois en 814 à la recherche de Charlemagne ou encore un pompier américain en pleine guerre du Golf… Chacun de ces personnages a eu entre les mains le livre troublant dont dispose Alexandra et chacun, ou presque, semble mal finir ce qui n’est pas spécialement rassurant pour elle, mais au moins ça fait avancer son enquête…

A travers les âges, les ténèbres

Bien que différentes, chacune de ces petites histoires sont parsemées de fantastique, de magie, de monstres bizarres, de choses étranges. C’est un jeu très ambiancé, lorsque l’on est Alexandra des bruits effrayant se propagent dans le manoir (des bruits de pas, des fracas sourds comme si quelqu’un frappait à la porte etc…), lorsque l’on est un personnage du fameux livre on rencontre des espèces de bestioles laides à trucider à tour de bras et on apprend des incantations magiques pour nous sortir de là. Pas de quoi ménager notre santé mentale. Et justement, une jauge de santé mentale fait partie de l’interface du jeu… Plus on rencontre de monstres bizarres plus notre santé mentale va morfler, plus on morfle mentalement plus on est apte à devenir victime d’hallucinations.

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Des hallucinations extrêmement bien pensées (43 en tout) qui s’intègrent aussi bien au gameplay (la tête du perso qui explose soudainement, l’impression que les murs se penchent de plus en plus, la sensation de rétrécir etc…) qu’à l’interface du jeu en lui-même (menu qui surgit à la fin d’une scène nous faisant croire que le jeu est fini et que la suite au prochain épisode merci, le personnage qui passe de moitié à travers les murs comme si c’était un bug, le son qui se baisse tout seul etc…), surprenant et efficace. Une idée tout bonnement excellente qui fait toute la différence et qui nous met dans un état pas possible… « Putain pourquoi le son marche plus bordel ! », « PUTAIN mais le pad déconne ! », « Hein ! ? Mais nan enculés ça fini pas là-dessus ! », « Holala c’est quoi ce vieux bug de mes couilles ! ? », « Hé mais c’est quoi ces mouches sur l’écran ? ».

Cauchemardesque

Pour autant Eternal Darkness n’est pas exempt de défauts. Les graphismes accusaient déjà le coup à la sortie du jeu, avec leur rendu proche d’un titre N64, mais ce n’est pas ce qui choque le plus aujourd’hui (d’autant plus qu’il n’y a aucun temps de chargement). Et ouais, le gameplay n’est pas franchement une perle d’ergonomie, l’absence de caméra manuelle, pas encore inventée à l’époque, se fait ressentir dans les déplacements mais surtout durant les phases de combats, et comme elles sont nombreuses… Bon, ça reste un minimum jouable, du moins suffisamment pour ne pas nous convaincre de jeter sa manette contre un mur, mais on aurait aimé quelque chose de mieux pensé.

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Et puis les niveaux bien que variés sont au final plutôt répétitif que ça soit dans le bestiaire où les choses à y faire, dommage car l’idée de se retrouver dans différentes époques est vraiment passionnante. M’enfin bon on pourra dire ce qu’on veut, les bonnes idées surpassent largement les moins bonnes et du coup on oublie bien vite les imperfections pour apprécier pleinement les agréables particularités du jeu. Et ça, c’est bien.

Ce qui place aujourd’hui Eternal Darkness au rang d’œuvre culte, ce sont à la fois le principe de narration tout à fait atypique et l’idée de la santé mentale à « gérer », le trip. Un jeu très ambiancé ouvertement inspiré des univers de Lovecraft et d’Edgar Allan Poe.

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